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L'Univers est amour

(Diffusion mondiale Web en direct, 26 octobre 2014, Chennai, Inde)

 

Chers frères et soeurs,

J’apprends que ce que je vais dire sera entendu par la plupart des abhyasis, particulièrement dans toute l’Inde, aux USA et en Extrême-Orient où l’horaire favorise l’écoute. Ailleurs, bien sûr, il fait nuit.

Je me demande si on ne fait pas là ‘beaucoup de bruit pour rien’, parce que cela fait presque cinquante ans maintenant que je vous parle, à un titre ou à un autre, et je ne sais vraiment pas si j’ai quelque chose de nouveau à dire. Il n’y a rien de nouveau en spiritualité. Mais je dois vous parler de quelques faits nouveaux dans ma vie personnelle, en vous priant tout d’abord de me pardonner d’être autobiographique.

Ces dernières années j’ai perdu la conscience de l’endroit où je suis, de ce que je suis. Cela cela a d’abord provoqué chez moi du désarroi, mais maintenant j’accepte cela comme une chose naturelle pour un aspirant spirituel. Cela s’est aggravé au cours de mes problèmes de santé en 2012, alors que j’étais dans une chambre ici et que pendant des mois je n’ai pas su où j’étais. Quelquefois je me retrouvais à Detroit, quelquefois à Dubai, quelquefois en Malaisie. Et même quand je n’étais pas conscient, j’appelais mon ami et aide Satbir Bakshi pour qu’il me dise où j’étais et qu’il m’envoie les billets pour la suite du voyage. Et il me disait : « Ce n’est pas pour aujourd’hui, c’est pour demain. » Même ce matin, quand je me suis réveillé, je ne savais pas précisément où j’étais, je veux dire, au sens large. Bien sûr, je savais que j’étais quelque part.

Et cela a influencé mon travail spirituel, à la fois sur moi-même et sur les autres, dans une large mesure, car qu’est-ce que le temps, qu’est-ce que l’espace, qu’est-ce que la géographie, qu’est-ce qu’un lieu ? Nous sommes là où nous sommes. Quand je lisais des ouvrages sur les rishis [les saints] du passé qui vivaient pendant plusieurs yugas [éons], qui entraient en méditation au cours d’un yuga et en sortaient dans un autre, j’en déduisais mentalement qu’il s’agissait d’une sorte d’intensification des possibilités d’extension du temps. Mais maintenant je crois que c’est notre conscience corporelle qui nous fait penser que ‘nous sommes ici’, ‘nous sommes ici maintenant’ ‘voici mon petit-fils’, ‘voici ma petite-fille’. Tout cela n’est que le problème de l’identification par mon âme de mon corps avec moi-même ; c’est ce qui cause ces affiliations, ces affiliations temporaires qui ne seront pas permanentes de toute façon.

Je n’ai jamais eu le sentiment d’être le Maître, que vous le croyiez ou non. C’est quelque chose que je n’ai jamais ressenti. Je sais que je suis un disciple de mon Maître et cela, pour moi, est très heureux, très satisfaisant. Je suis très reconnaissant envers mon Maître de m’avoir pris comme disciple. Mon seul rôle n’a été que d’être le disciple de mon Maître. ‘Président de la Mission’, c’est quelque chose d’administratif, pour approuver des plans, approuver des constructions, signer des chèques pour de l’argent. Cela dure depuis presque trente-deux ans maintenant. Et cela m’amuse parfois, car ce que je ne faisais pas alors que je travaillais dans ma compagnie, je le fais maintenant à une telle échelle que mon patron, s’il était en vie, penserait probablement : « Dans quel monde vivons-nous pour que ce gars ait tant de pouvoir, qu’il puisse signer autant de chèques pour des montants aussi importants ? »

Tout cela ne fait que passer, c’est éphémère : c’est là aujourd’hui, ça ne l’est plus demain. Par exemple, cette fille qui est ma petite-fille était une autre abhyasi du temps de Babuji. Je le sais parfaitement. Je le sais en tant que fait avéré ; il ne s’agit pas d’une spéculation. Et je suis très reconnaissant envers Babuji de me l’avoir confiée dans cette famille pour la faire avancer dans son évolution spirituelle. Je veux dire que c’est la seule raison d’être de cette parenté. Je sais que mon fils Krishna a été avec moi au cours de plusieurs vies dans le passé, il est stupide de parler de siècles, c’est au cours d’éons de temps. Je sais qu’une fois j’ai été moi-même un esclave de l’Empire Romain, peut-être du temps de Spartacus, où j’ai été enchaîné, crucifié, parce que j’ai ces douleurs dans le corps, aux chevilles, là où j’étais probablement enchaîné, crucifié. Et ces choses m’ont été révélées. Je sais que j’étais le disciple du Rishi Patanjali, ce que Babuji Maharaj lui-même a confirmé.

Donc, la question de qui je suis n’a pas de sens. Et donner tant d’importance au fait d’être Untel ou Untel dans cette vie, d’être un homme très puissant, est ridicule. Penser à ce que nous avons été, à l’importance que nous avons pu avoir, alors que nous étions peut-être des esclaves, peut-être des mendiants, doit nous amener à un certain sentiment d’humilité. Au cours d’une autre vie après Jésus-Christ, j’étais un nomade dans le désert, je ne veux pas en révéler le nom. Je le sais, parce qu’au cours d’un voyage d’un endroit à un autre pour aller à Eilat, à mi-chemin, j’ai eu les larmes aux yeux. Soudain, j’ai été submergé par une grande émotion parce qu’il s’était passé quelque chose de très important à cet endroit. Tout cela m’a été révélé en méditation. Les vies passées nous reviennent souvent pendant la méditation, en rêve et, de nos jours, par la régression. Je n’ai pas pratiqué de régression, mais cela m’a été révélé en méditation.

Et je sais donc à quel point, par exemple, Bhargav a été proche de moi. Cette famille qui est la mienne a été presque comme un atome entouré de ses - comment les appelle-t-on ? - ses électrons. A l’intérieur du noyau il y a ces forces puissantes qui nous tiennent ensemble au travers des âges, jusqu’à ce qu’un électron prenne son envol dans la direction choisie pour son évolution. Alors, mettre tout ce que nous avons dans notre identité de cette vie présente et s’en enorgueillir… Toute cette connaissance m’a été révélée en raison de mon incapacité à accéder à ma mémoire de là où je suis, là où j’étais, ce que je suis, au cours de ces deux dernières années de maladie, et particulièrement, je le répète, ce matin même.

Je dois vous répéter à nouveau que dans ma vie, je n’ai jamais été conscient d’être un Maître. En aurais-je été conscient, que j’aurais été inutile, que j’aurais été indigne d’être un Maître. Je suis un disciple de mon Babuji Maharaj, je fais son travail selon son travail, selon ses instructions, qu’elles m’aient été données au cours de sa vie ou maintenant.

J’exhorterais donc les précepteurs à essayer d’oublier, de la même manière, qu’ils sont précepteurs : ils sont des travailleurs. Nous sommes en quelque sorte comme des abeilles ouvrières qui récoltent le miel et le mettent dans la ruche. Elles ne sont pas conscientes du pourquoi, où, quand. Et un beau jour, la reine prend son envol et tout l’essaim la suit, et vous savez la suite : une autre colonie est formée. Les choses se multiplient de cette façon. Un précepteur ne doit donc pas savoir qu’il est un précepteur, ne doit pas se souvenir qu’il est un précepteur. Il est un frère qui aide un autre abhyasi. Nous sommes tous ensemble dans le même bateau, et c’est ce que voulait dire Babuji quand il disait que nous sommes frères et sœurs.

Je trouve qu’après cinquante années dans le Sahaj Marg, si vous me permettez de le dire, cette fraternité ne se trouve pas du tout cimentée. L’amitié, oui, mais nous ne sommes pas ici pour l’amitié. Si A vient au satsang, B vient avec lui, C vient aussi. Si A ne vient pas, B et C non plus. Une petite pluie et ils ne viennent pas. Un petit problème de transport et ils ne viennent pas. Le fait de venir est important, être ici est important. Satsang signifie être ensemble. « Non, non, Monsieur, j’avais mal à la tête. » D’accord. « Ma femme m’a dit de ne pas y aller aujourd’hui. » D’accord, mais c’est pire ! Toutes sortes d’excuses sont fabriquées par ceux qui ne sont pas encore profondément engagés dans leur propre évolution spirituelle. Vous ne devez pas oublier, vous ne devez jamais oublier que c’est pour vous-même que vous travaillez ; ce n’est pour personne d’autre.

Lorsque vous méditez, c’est pour vous-même que vous méditez. Lorsque vous venez au satsang, c’est pour vous-même, pas pour faire plaisir à votre précepteur ou à celui qu’on appelle guru. Ils s’en moquent pas mal. C’est pour votre propre évolution spirituelle, de même qu’un enfant va à l’école pour sa propre instruction, pas pour faire plaisir au professeur. Je ne sais pas quand nos abhyasis en deviendront conscients, au lieu de perdre leur temps à de stupides spéculations sur qui est qui et quoi est quoi. J’entends très souvent ce genre de choses : « Il n’est pas la véritable personne. » C’est quoi ‘la véritable personne’, la ‘vraie personne’, qui le sait ? L’inférieur ne peut jamais juger le supérieur. Le guru est le guru et le disciple est toujours le disciple. Il ne peut jamais transcender son guru. C’est une des lois de la spiritualité. Et donc penser que vous êtes devenu supérieur à votre guru est – je ne dirai pas un péché, parce qu’au Sahaj Marg, nous n’avons qu’un seul péché : l’ingratitude – c’est le premier pas vers votre chute.

Penser que vous êtes plus grand que votre guru est le premier pas vers votre chute et cela doit être évité. Vous ne pouvez jamais être plus grand que lui. Il peut être un très humble instituteur, un clerc, comme l’était Babuji, et vous pouvez être un officier du Service Administratif Indien, vous pouvez être le président de l’Inde, mais vous n’êtes pas plus grand que lui. Parce qu’en un sens, ces grands leaders spirituels gouvernent cet univers d’une manière que nous ne connaissons pas, en se dissimulant dans leur simplicité qui est un voile. En effet, Babuji Maharaj a dit : « Ma simplicité est ce qui me dissimule. » Il n’y avait pas de pompe autour de lui. Il n’y avait pas d’exposition grandiose de sa personne. Il n’a jamais parlé en public.

Ainsi, être simple et en harmonie avec la nature signifie imiter le Maître. Quoi que vous soyez dans la vie publique, soyez simple et en harmonie avec la nature. Ne prenez pas de grands airs. Souvenez-vous que lorsque vous quittez votre bureau et rentrez chez vous, vous redevenez un simple être humain. Vous prenez votre retraite et soudain vous découvrez que votre téléphone est coupé, vos ouvriers sont déplacés et personne ne vient vous voir, et vous vous demandez : « Pourquoi ? Jusqu’à hier tout le monde venait me voir, les ouvriers venaient me voir, il y avait toujours foule autour de ma maison, et aujourd’hui, personne ne vient me voir. Ils ne répondent même pas au téléphone quand j’appelle. Ils font semblant de ne pas être chez eux. » Oui, parce que votre importance n’était pas attachée à vous mais à ce que vous faisiez.

En spiritualité aussi, à moins de faire ce que vous avez à faire, il n’y a pas d’importance. Vous êtes un précepteur ; on ne vous a pas donné d’uniforme spécial. Bien sûr, vous avez un badge et des choses de ce genre mais ce n’est pas pour votre publicité. C’est par le travail que vous faites que vous gagnez l’amour des abhyasis. L’amour est la récompense, c’est la récompense que l’on obtient à la fois du Maître et par le travail. Ici, vous vous souvenez, vous devez vous souvenir que la récompense provient de deux sources : de mon Maître, en haut, et de l’abhyasi, en bas, alors que dans la vie publique, il n’y a qu’une seule source, si tant est qu’il y en ait une. Plus je travaille pour le Maître, plus il est satisfait de mon travail et il dit à sa manière : « Sabaash [Bravo], Parthasarathi ! » Et ce ‘sabaash’ vaut plus que, je ne sais pas combien de millions ! Pour gagner de lui ce sabaash, je travaillerais pendant un siècle, si nécessaire.

Les abhyasis disent peut-être : « Merci, Monsieur » et s’en vont, ou ils peuvent apprendre à vous aimer parce que vous travaillez pour eux. Vous devez aimer les abhyasis suffisamment pour travailler pour eux avec amour, pas simplement par devoir : « Oui, ils sont arrivés. Qu’ils s’assoient là devant, » et vous finissez ce que vous avez à faire en une demi-heure avant de les renvoyer chez eux. J’ai entendu de nombreux précepteurs dire qu’ils ne peuvent prendre qu’un abhyasi par jour, pas plus. Les meilleurs disent : « Deux sittings par jour. » Vous ne pouvez y mettre de limite. De même que vous ne pouvez limiter le flux de l’air, que vous le sentiez ou non, il est présent tout le temps. Sans cela, vous n’existeriez pas.

Vous devez donc être disponible, vous devez faire des sacrifices, des sacrifices personnels. Par exemple, vous avez pris des billets pour le cinéma, vous êtes sur le point de monter en voiture quand un abhyasi arrive, eh bien, tant pis pour le cinéma. Vous rentrez chez vous et donnez le sitting à l’abhyasi, parce que nous ne savons pas quelle circonstance l’a poussé à venir pour un sitting. Les abhyasis viennent surtout quand ils en ressentent le besoin, pas en fonction de votre emploi du temps sur quinze jours. Il y a des moments où ils ont des tourments intérieurs, une recherche intérieure, un besoin intérieur, et alors ils ne tiennent pas compte de l’heure, ils viennent. Et si vous n’y répondez pas… Vous connaissez l’histoire de cette vache qui a tiré la sonnette de l’empereur, qui est sorti pour voir ce qui se passait : c’est cette sorte de réponse que nous devons avoir. Un abhyasi vient, tout s’arrête jusqu’à ce que le sitting soit terminé. C’est le genre de réponse qu’apprécie Babuji Maharaj.

Je vous rappelle qu’il voit tout. Ce n’est pas un vieil homme assis à Shahjahanpur qui ne sait pas ce qui se passe. Comme il est dit dans la Bible : « Pas une feuille ne tombera sans qu’Il le sache. » Et donc, il sait. Je me souviens qu’une fois, un précepteur est venu du sud de l’Inde à Shahjahanpur avec son groupe ; et il se vantait tout le temps de ce que Babuji allait lui dire, comment il allait l’embrasser, comment il l’accueillerait et le féliciterait. Ils se sont assis devant Babuji Maharaj tout comme vous êtes assis devant moi et le Maître ne l’a pas regardé une seule fois. Et le troisième jour, il lui a dit : « Qui êtes-vous ? » Il ne peut y avoir de plus grand abaissement. Cet homme était anéanti. Le Maître ne nous connaît pas par notre nom ni ne sait d’où nous venons ; il ne sait pas si nous sommes de Madras, du Gujarat ou d’ailleurs, mais il nous connaît par le travail que nous faisons.

D’une certaine manière, mystérieusement, il peut voir le travail que nous faisons et reconnaît les âmes qui font le meilleur de son travail ou le travail qu’il leur a donné de la meilleure façon, indépendamment des difficultés matérielles auxquelles elles font face. Et plus nous le faisons, mieux c’est pour lui (c’est à dire le précepteur), jusqu’à ce que vous deveniez cher au Maître. C’est de cette manière que se développe la proximité, et alors il dit lorsqu’il vous voit au portail : « Venez, venez. Bienvenue. » Sinon, il n’en a rien à faire. Voilà le travail de la Nature qui ne peut s’arrêter, et ceux qui contribuent, même un tant soit peu, de quelque manière que ce soit, à la poursuite de ce travail lui sont chers, à lui qui a pris une charge considérable de ce travail, une grosse partie du travail. Nous ne savons pas, nous ne pourrons jamais estimer le poids de la charge que porte Babuji, que ce soit en étant dans son corps ou en dehors, nous ne le savons pas.

Nous l’appelions Maître mais nous ne savions pas ce que cela représentait. C’était une convention, tout le monde l’appelait Maître, touchait ses pieds, sans savoir pourquoi. Qu’est-ce qu’un Maître ? Babuji a dit que celui qui a acquis la maîtrise de son propre soi est un vrai Maître – la maîtrise de soi. Cela veut dire que vous avez suivi les dix maximes du Sahaj Marg, que vous avez rendu parfaites votre condition intérieure et votre vie extérieure, que vous n’avez ni ennemis, ni amis. Souvenez-vous : pas d’ennemis signifie également pas d’amis. Vous n’avez que des personnes avec qui vous vous associez pour votre travail et avec qui vous travaillez, et sur lesquelles, quand cela vous est demandé, vous travaillez pour leur évolution.

Ce Sahaj Marg ne concerne donc que l’évolution spirituelle vers ce que nous appelons ouvertement ‘le plus haut’, et nous ne savons pas ce qu’est ce ‘plus haut’. Quand prendra-t-il fin ? Nous ne le savons pas. Je reçois des messages du Maître, il dit : « Le temps pour toi de venir me rejoindre n’est pas encore venu, parce que tu as du travail à faire. Mais quand tu viendras, tu seras tellement bien reçu, et ensuite, nous poursuivrons vers d’autres mondes… » Et je suis – je ne sais pas si je devrais en être heureux ou triste ! Il n’y a pas de fin. S’il y a une fin au travail, il n’y a pas de vie, que ce soit dans ce corps ou à l’extérieur de ce corps. C’est comme un homme qui a évolué dans son travail jusqu’au plus haut de ses limites, et qui un jour part à la retraite ; soudain, il n’est plus rien. Pas de travail, pas d’homme, plus personne. Plus rien à quoi vous raccrocher.

Alors, souvenez-vous que la vie signifie le travail, que ce soit ici ou là ou ailleurs. La seule chose que j’aie comprise est que, lorsque vous ne serez plus dans ce corps, de retour là d’où nous venons, il n’y aura ni souffrance ni plaisir. Il n’y aura pas de désirs parce que tout cela fait partie de l’existence dans le corps. Le corps a besoin, le corps veut, le corps désire. C’est pourquoi nous devons surmonter tout cela, de sorte que, lorsque nous serons prêts, nous ayons abandonné la plupart de ces choses et qu’advienne, au moins, notre libération de cette vie – ce qui sera très satisfaisant quand cela arrivera.

La spiritualité n’est donc pas quelque chose à prendre comme un jeu, comme un passe-temps, ou comme une chose à laquelle vous participez parce que vos amis y vont. Comme l’a dit une fois Babuji : « Les amis sont vos plus grands ennemis. Vous savez ce qu’est un ennemi, qui est votre ennemi, ce qu’il peut faire ou pas. Mais un ami, vous ne savez jamais de quoi il est capable. Alors, méfiez-vous des amis. » C’est l’un des premiers enseignements que m’a donné mon Maître. Si tant est que j’aie eu des amis dans ma vie, j’en ai peut-être eu trois dans toute ma vie, trois amis pour toute une vie ! Mon père a fait plus pour moi que quiconque. C’est parce qu’après la mort de ma mère, il a été à la fois père et mère. Mon fils, mes petits-enfants et ma belle-fille ont fait pour moi plus que n’importe qui d’autre. Aujourd’hui, quand je ne vais pas très bien, quand je suis au lit la plupart du temps, ils me nourrissent à la cuillère – ce n’est pas une figure de style, il s’agit de la vie réelle – ils me nourrissent à la cuillère. Pour cela, je suis humblement reconnaissant que Babuji Maharaj m’ait accordé la bénédiction de les confier à mes soins pour promouvoir leur évolution spirituelle. Et si je ne le faisais pas, je faillirais à ma tâche, et ce serait un désastre pour moi, pour mon avenir.

De même, ce ne sont pas les seules âmes dont je sois responsable. Aujourd’hui, dans ce monde, s’il y a, je ne sais pas, une centaine de milliers d’abhyasis, je suis responsable de chacun de ceux qui viennent à moi, qui prennent leur premier, deuxième ou troisième sitting. C’est une responsabilité que nous prenons quand nous acceptons ce travail. Ce n’est pas pour le plaisir ou pour s’en glorifier; c’est une responsabilité. Je suis précepteur, je suis maintenant responsable de Untel, Untel, Untel et Untel. Je dois rendre des comptes à mon Maître pour leur progrès. Mon Maître ne devrait pas avoir à me demander : « Qu’avez-vous fait avec ces abhyasis que je vous avais confiés ? » C’est comme pour un berger. Le Maître peut vous donner cent moutons à emmener au pâturage, et quand vous revenez, vous ne pouvez pas en ramener quatre-vingt-dix-neuf et dire : « J’ai réussi à quatre-vingt-dix-neuf pour cent Babuji. Je n’ai perdu qu’un mouton. » Cent pour cent ! C’est tout ou rien.

Le cœur ne peut pas être morcelé. Vous ne pouvez pas avoir dix abhyasis et donner un dixième de votre cœur à chacun d’eux. Ce n’est pas comme dans cette vieille chanson d’amour : « Mere dil ke tukde hazaar hue, koi yahaan gira, koi wahaan gira (on cœur s’est brisé en mille morceaux, certains sont tombés ici, d’autres là) » ; ce n’est pas le cas ici. Le cœur entier, à chaque fois – et le miracle de la spiritualité est que vous découvrirez que même si vous avez donné tout votre cœur à un abhyasi, votre cœur est toujours là. C’est l’infini, une manifestation de l’infini, que ce cœur soit totalement présent, tout le temps. Il ne pourra jamais cesser de l’être.

Quelle que soit la quantité d’amour que je donne, il y en aura toujours plus. Comme l’a dit Babuji Maharaj alors que sa transmission avait augmenté : à l’origine, ce qui était un tuyau est devenu un plus gros tuyau, un tuyau encore plus gros, jusqu’à ce qu’il devienne si gros qu’il menaçait de l’emporter ! La Nature réclame ce genre de conduit pour son travail, et quand elle trouve un conduit qui est, dirons-nous, bon, de bonne volonté, disponible, ce conduit est élargi, de plus en plus élargi, qui sait jusqu’à quel point.

Donc, en aimant de plus en plus, vous ne perdez pas l’amour, vous en obtenez toujours plus parce que tandis qu’il s’écoule, il en arrive davantage. D’où ? De l’Infini. Parce que l’univers est amour. Il n’est pas particules, planètes et galaxies ; celles-ci ne sont que des manifestations physiques. Il n’y a que de l’amour. Alors, apprenez à aimer. Apprenez à aimer votre travail, apprenez à aimer les abhyasis qui viennent vers vous. Prenez part à leur vie dans la mesure du possible sans vous y impliquer. Aidez-les à évoluer. De même, il se peut que vous ne mangiez pas forcément les fruits de chaque arbre que vous plantez et cultivez. Je me souviens d’une petite histoire dans mon manuel d’anglais : elle parlait d’enfants rentrant de l’école. Voyant un vieil homme qui creusait des trous et y plantait de jeunes pousses de manguier, ils lui ont dit : « Grand-père, grand-père, pourquoi plantez-vous ces jeunes arbres puisque vous n’en mangerez jamais les fruits ? » Et le vieil homme a souri et a dit : « Mes chers enfants, je le sais, mais quelqu’un les mangera. »

C’est donc pour ce quelqu’un que nous travaillons. Nous essayons de faire nôtre tout ce qui est ici, dans le sens où cela appartient à Babuji. Ce ne sont pas nos abhyasis, ce sont les abhyasis de Babuji. Ce n’est pas mon travail, c’est le travail de Babuji. Je suis le moyen par lequel son travail avance, et plus je suis conscient de cela et moins je suis conscient de qui je suis et de ce que je suis, plus mon travail évoluera.

Pour finir, je dois dire qu’il y a eu récemment des spéculations inutiles au sujet de quelques messages qui sont venus d’en haut concernant le quatrième Maître. En français, le mot ‘dernier’, ne signifie pas seulement le dernier, mais aussi le dernier en date. Cela m’a été confirmé par des gens qui savent. La traduction correcte est donc ‘le quatrième Maître, le dernier en date, apparaîtra’. » Et il est apparu, même de mon vivant, et nous devrions en avoir de la reconnaissance, arrêter toute spéculation et n’avoir aucune crainte pour l’avenir. Parce que nombre de ces messages des Whispers parlent de ce Sahaj Marg qui continue dans le futur pendant une très longue période, au-delà des temps historiques peut-être. Il se peut qu’il change, il changera, il l’a dit. Il a prédit qu’à une certaine étape il changera. Que sera ce changement, nous ne le savons pas, nous n’avons pas besoin de le savoir. Pourquoi devrions-nous le savoir ?

Comment pouvons-nous savoir ce que sera l’être humain dans le futur ? L’être humain peut même changer de forme ! Après tout, si vous considérez l’évolution au niveau physique, nous venons de choses qui étaient au fond de l’océan, qu’on appelle la boue primitive ; partant de l’amibe protée, nous avons ensuite les amphibiens, puis les animaux terrestres, puis ceux qui ont une colonne vertébrale, parmi lesquels nous sommes censés être le summum, l’aboutissement. Mais nous ne sommes pas la fin de l’évolution.

Ainsi, en fonction de l’époque, de l’endroit, du travail à faire, des Maîtres viendront, l’un après l’autre, pour poursuivre cette tradition du Sahaj Marg dans le futur. Il se peut que l’on se souvienne de nous, ou non ; il se peut que l’on pense à nous, ou peut-être même pas, cela n’a pas d’importance. Nous ne sommes pas ici pour qu’on se souvienne de nous. Nous ne sommes pas des Gandhi auxquels on élève des statues. C’est de notre travail qu’on se souviendra.

Alors, je prie pour vous tous. N’oubliez pas ceci : moins vous vous souvenez de vous-même, de qui vous êtes, d’où vous êtes, de pourquoi vous êtes… comme cela m’est arrivé, ce matin même. J’étais dans ma chambre quand je me suis réveillé et je ne savais pas où j’étais. C’est une condition très réelle, mais en quoi là où je suis est-il important ? C’est une localisation géographique, c’est une bonne chose de parler de GPS et de toutes ces choses très savantes et très technologiques. D’accord, moi aussi j’aimais bien les GPS. J’en emportais un partout où j’allais. J’ai des statistiques dans mon ordinateur. Mais quand votre orbite… c’est comme un petit gravier jeté dans une mare, la perturbation qu’il crée se poursuit sans fin. Où finit-elle ? Elle n’a pas de fin. En ce sens, la science a tort.

Ce que nous disons et, plus important encore, ce que nous faisons se poursuit sans cesse, cela n’a pas de fin. Cela peut consister seulement à donner des sittings à quelques abhyasis, quelque part, quelquefois. Cela peut être donner des sittings à de nombreux abhyasis, la plupart du temps. Il n’y a pas de différence. Vous appelez l’un un maître, vous appelez un autre un abhyasi, vous appelez un autre encore un non-abhyasi. Et Babuji a dit de ne jamais penser de quelqu’un qu’il n’est pas un abhyasi, parce que vous créez une barrière entre vous et lui. Ce sont tous des abhyasis. Certains sont dedans, d’autres sont dehors. Comme des lions dans la jungle : certains sont dedans, d’autres dehors. Ceux qui sont dehors doivent être amenés dedans avec amour, en les apprivoisant. Alors vous êtes un bon dompteur de lions.

Notre Dr Varadachari disait qu’il était un ‘lion apprivoisé de Dieu’. Nous avons besoin de lions apprivoisés de Dieu, qui ont perdu leur férocité, leur violence inutile : mordre à tout va, tuer tout ce qui bouge – souvenez-vous malgré tout que les animaux sauvages ne tuent que pour se nourrir, alors que les êtres humains tuent pour le plaisir, pour s’amuser, pour le profit, et qu’ils ont dérobé de grandes parties de ce monde merveilleux de la vie sauvage.

J’ai regardé un film hier sur une république d’Afrique qui n’avait que deux cent cinquante mille éléphants il y a quelques années à peine et qui n’en a plus que cinquante mille, grâce aux braconniers qui ont chassé sans merci et les ont tués pour leur ivoire. Il en est de même pour les rhinocéros, pour leur corne. Ce sont des êtres humains, mais ils n’ont que faire de ce qui arrive dans l’environnement, comment il devrait être préservé, ce qu’est l’écologie. Profit, profit, profit ! Et que feront-ils de leur argent quand ils mourront ?

Donc, mes chers frères et sœurs, je pense être arrivé au bout de mes élucubrations, si vous me permettez de parler ainsi ! Considérez d’abord votre famille immédiate comme étant de votre responsabilité spirituelle. Ne les laissez pas se perdre. Ensuite, considérez les abhyasis aussi comme étant votre famille élargie. C’est comme ces ronds dans l’eau : ma famille grandit à mesure que je grandis et elle finira par englober, je l’espère, l’univers.

Merci.